Dr Isabelle Tisserand, vice-présidente du département de cybersécurité satellitaire et spatiale de 3i3s. 30 septembre 2019.
L’art de la négociation au service du New Space
Je souhaite remercier ici l’Agence ADNi pour son invitation à l’ONUii, car elle n’a fait que renforcer notre conviction sur les besoins de négociations dans le monde du spatial.
Il a été rappelé entre-autres et lors de ce colloque, que les effets des révolutions technologiques devaient être régulés. Ce conseil s’applique de façon indiscutable au New Space, qui, en multipliant à outrance et très rapidement ses évolutions pose questions : régulation des lancements, des missions, des flux de débris, des essaimages humains extra-planétaires, du développement numérique spatial, etc. et de leurs conséquences dans le futur et sur les générations à venir.
L’Espace est un lieu potentiel d’expressions de conflits, de concurrences, de défis et de challenges. Mais c’est également un lieu de contre-conflictualitéiii. En effet, une destruction spatiale et massive empêcherait la surveillance de la Terre et de ses océans, d’agir pour sa protection, de gérer des conflits et des crises majeures.
Les communications sur le potentiel de conflictualité de l’Espace, sont quantitativement supérieures aux communications relevant ses capacités de contre- conflictualité. Conséquence immédiate : les informations de masse marquent les esprits qui ne développent qu’une conscience partielle de ce qui pourrait être mis en oeuvre pour atteindre l’EQUILIBRE.
Le traitement objectif de cette dualité indiscutable commence par un rappel : toutes les organisations humaines ont développé des systèmes de Défense pour mieux maintenir leur Paix. L’étude anthropologique de leurs différents dispositifs de Guerre et de Paix aboutit à la conclusion que tout, dans les organisations humaines, est fait pour parvenir à un équilibre de continuité et de survie des espèces sur Terre et, depuis quelques temps, ailleurs que sur notre planèteiv…
Une absence totale de conflits dans une société humaine ne permettrait pas l’émergence de lois, de valeurs morales et d’éthique pour la recherche de l’équilibre indispensable à la survie des groupes. Les organisations sociales peuvent parfois s’agiter, se remettre en cause, bouillir, mais n’ont a priori pas pour but de s’auto détruire et de tout faire radicalement disparaître. A l’inverse, un peuple qui vit dans un espace-temps en perpétuel état de guerre est voué, lui et toutes ses productions culturelles, à une disparition parfois irréversible.
Un moyen efficace de prendre conscience de ce paradoxe et de le traiter, pourrait être de multiplier les entraînements de gestion de crises permettant d’éprouver l’efficacité des textes et des lois internationales pour le maintien de l’ordre et de la Paix dans l’Espace, ainsi que nos propres capacités opérationnelles à développer et à réussir des pourparlers lors de situations tendues.
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Au coeur de l’exercice, la nécessaire et vitale communication, c’est-à-dire l’art de la négociation, qui n’est pas encore un réflexe naturel dans nos cultures occidentales et qui mériterait d’être encore plus développé dans les formations, les pratiques, le management de projets.
Car la volonté de négociation prouve qu’il n’y a pas d’indifférence à ce qui peut porter atteinte à l’humanité et à ses patrimoines vitaux, que des liens existent, qu’ils peuvent produire de la confiance et des partenariats, qu’il peut exister des champs d’intérêts communs à faire émerger et fructifier.
Laurent Combalbert, lors de sa conférence, a précisé qu’à peu près 10% des négociateurs seulement sont naturellement coopératifs et optent pour une stratégie de négociation fondée sur la coopération. L’approche coopérative est basée sur l’écoute, la recherche d’issues structurantes en termes de solutions créatives et acceptables pour tous.
90% sont naturellement compétitifs et leurs négociations comportent un niveau de perte supérieur à celles des négociateurs coopératifs.
Dr Isabelle Tisserand, vice-présidente du département de cybersécurité satellitaire et spatiale de 3i3s. 30 septembre 2019.
i ADN Group est une agence de négociateurs professionnels fondée par Laurent Combalbert et Marwan Mery.
ii La journée mondiale de la négociation. ONU, Genève. 25 septembre 2019.
iii Dr Isabelle Tisserand, Conférence «Les enjeux cyber de la (re)conquête spatiale », Colloque : « Les voix(es) de la cyber 2019 : expert(e)s, influent(e)s et visionnaires ! » ; Hôtel des Invalides, Paris. Débats animés par MELANIE BENARD-CROZAT ; rédactrice en chef S&D Magazine.
iviv Lune, Mars.